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Rencontre d'octobre 2015

                                                                    Louis Aragon

Aperçu
Ce soir, nous avons des participants issus de trois cultures : innue du Québec, québécoise de souche, mexicaine.MarieEmilieLacroix_CC_2015-10-12_w.jpg

Le thème : La marche des femmes vers la reconnaissance et l’égalité.

Nous explorons ce thème à travers deux types d'événements : d'un côté la préparation au Québec de la Marche mondiale des femmes (17 octobre); de l'autre, les drames entourant les pensionnats indiens et les disparitions de femmes autochtones laissées inexpliquées.


Pour en témoigner, Marie-Émilie Lacroix et Olga Garcia, toutes deux porteuses d’un héritage autochtone, l’une au Québec, l’autre au Mexique. Toutes deux porteuses d’une parole libérante, qui revendique l'équité à l'égard des femmes, oui; mais plus largement la guérison de nos rapports humains et de notre planète à tous.

SUITE:

Prise de parole des femmes autochtones
C'est d’abord Marie-Émilie Lacroix qui nous ramène aux pensionnats amérindiens (1820 à 1967). Nous avons eu l'occasion d'en entendre parler les mois passés. Cette fois-ci nous pouvions davantage nous en faire une idée de l'intérieur, car son témoignage nous permettait de marcher dans les mocassins des enfants qui ont vécu les pensionnats.

« Dans les sociétés matriarcales, dit Marie-Émilie, les femmes étaient très respectées. L’abus sexuel n’existait pas chez nous, c’est venu des pensionnats. »

MarieEmilieLacroix_TableauDisparues_CC_2015-10-12_w.jpg

Elle continue en nous présentant un dessin hautement symbolique qui cache 511 noms de femmes autochtones. Elle estime que depuis 20 ans c’est de 15 à 20 mille femmes qui sont disparues ou ont été assassinées au Canada. (Le nouveau Gouvernement canadien, élu peu après la rencontre, s'est engagé à à mettre sur pied une véritable commission d'enquête).


D’autres réalités continuent de blesser nos compatriotes amérindiens. Par exemple leur statut d'Indien appliqué inégalement : « Ça divise les gens. T’es un 6.2 ou un 6.1 … » Encore aujourd’hui une Indienne qui épouse un blanc perd ses droits, tandis qu'une Blanche qui épouse un Autochtone gagne le statut d'Indienne.

Le taux très élevé d’enfants autochtones qui se retrouvent à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) donne aussi une mesure du mal-être des communautés. Marie-Émilie mentionne encore les problèmes de santé que vit à Shefferville la population qui doit vivre dans les environs de la mine à ciel ouvert.

Sa conclusion d'ensemble fait mal : « Le génocide n’est pas terminé...»


Marie-Émilie a une parole vraie; elle ne cache pas les blessures, qui ont été aussi les siennes : «Je ne suis jamais capable de me dire ‘’Québécoise’’… Il y a encore des gens qui nous disent ‘’Retourne dans ta réserve’… » Avec une pointe d’humour,elle s’imagine leur répondre « Si je vous dis de retourner chez vous (en France), ça va faire loin !... »


En même temps on la sent ouverte à regarder devant : «…Mais il y a moyen de vivre ensemble… » Elle constate d'ailleurs que depuis la Commission Vérité et réconciliation, beaucoup de Québécois s’étonnent, se réveillent. Ceux tentés de reprocher à des Indiens un problème d'alcool peuvent mieux faire le lien avec leur mal-être, leur identité blessée. « Tu veux les guérir ? Ramène-les dans le bois, dans la Tradition… » Puis elle ajoute pour les Blancs : « Ne vous gênez pas pour aller visiter les communautés autochtones. Je vous conseille les pow wow traditionnels, spirituels : d’Oka, de Restigouche, de Mashteuiatsh… » 


Ajoutons que des Cercles de confiance ont été créés dans la foulée de la commission dont nous parle Marie-Émilie. Je peux moi-même témoigner d'expériences libératrices et d'une grande chaleur humaine réciproque, auxquelles j'ai eu le bonheur de participer, dans les trois Cercles de confiance initiaux de Montréal, Sherbrooke et Québec. Et depuis, les initiateurs ont entrepris de créer des groupes permanents dans quelques villes, afin que ces dialogues se poursuivent. (À Québec, le prochain Cercle de confiance se tiendra le 16 novembre prochain. Nous y sommes tous bienvenus.)


On relira aussi avec intérêt le compte rendu de notre soirée-rencontre de septembre dernier, où Alexandre et Sarah nous ont témoigné avec bonheur de leur action dans le Cercle Kisis, qui illustre lui aussi la naissance de jeunes pousses de dialogue interculturel qui ne demandent qu'à éclore. Jetez-y par exemple un coup d'oeil au reportage sur la Mission de paix...


Marie-Émilie termine en en évoquant la 8e Prophétie des Atikamekws  - , qui rappelle celle des Mayas du Mexique : « Un jour viendra où les Blancs viendront demander aux Autochtones la sagesse pour protéger la Terre… »

Marche mondiale des femmes

MarcheFemmes_Courtepointe_Tr-Riv_2015-10-17.jpg
Olga Garcia prend la suite. D’abord avec un un jeu de sensibilisation où il faut pairer des photos provenant des marches passées, depuis la création de l'événement en 1995.


Puis elle nous parle des contacts qu’elle a eus récemment à Québec, comme interprète, avec des femmes venues de plusieurs pays : Turquie, Maroc, Afrique noire, Phillipines, Inde, Guatemala,… Elles ont d’abord participé à un colloque de l’Université Laval, puis à des ateliers du centre Femmes d’aujourd’hui, pour préparer la Marche mondiale des femmes dans leur pays, le 17 octobre suivant.

Au Québec, ce jour-là, des groupes de plusieurs régions auront convergé vers Trois-Rivières. (Olga et moi, co-animateurs des rencontres Cultures au coeur, y étions. Les photos en marge nous en disent quelque chose. Sur place, nous avons constaté la présence nombreuse de femmes amérindiennes; aussi une certaine présence masculine.) Denis-Olga_MarchesFemmes_Tr-Riv_2015-10-17.jpg


Olga attire aussi notre attention sur les différences qu'elle a observées dans les mouvements de revendication féminine d’un pays à l’autre. « Au Mexique, les femmes revendiquent davantage pour la famille et les enfants, souvent sur des enjeux vitaux. : pour l'eau potable, la construction d'écoles, les services médicaux, etc... » Elle évoque l’expérience de sa grand-mère, Candida Martinez, une enseignante rurale des années '30 devenue militante. Sa participation comme enseignante engagée a menacé de lui coûter la vie à plusieurs reprises. Finalement elle est devenue mairesse d'une municipalité dans l'état de Nayarit, afin de faire changer les choses.

Fait capital : partout les femmes ne se contentent pas de revendiquer pour leurs droits personnels à l’équité. Elles nous éveillent tous à la domination du néolibéralisme qui fait violence à la fois aux femmes, aux communautés, à la Terre. Leur persévérance et les thèmes évoqués nous sensibilisent au fait que les problématiques en jeu sont de plus en plus reliées, deviennent globales.
 

Denis Breton
 

Suggestions de lecture
- Femmes autochtones : Quinze femmes oubliées de l'histoire de l'Amérique, sur les travaux de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque

- Pensionnats autochtones


Date de création : 2015/10/31 - 10:27
Dernière modification : 2016/07/04 - 16:10
Catégorie : Échos de nos activités - 2015
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